[Lettre n° 3] à Madame Procaccia, Sénatrice.
Pour la première fois et pour s'exprimer au sujet de l'impact environnemental de l'industrie des palmiers à huile , la sénatrice a choisi un journal économique et financier : La Tribune. Lire l'article.
Voici ci-dessous la réaction de l'association L'Huile de Palme : NON !
Madame
Procaccia,
Tout d’abord nous nous
réjouissons à la lecture du titre de l’article « Indonésie :
la lutte contre la déforestation en bonne voie ». Vous reconnaissez enfin
pour la première fois qu’il existe une déforestation en lien avec la culture industrielle
du palmier à huile. Nous constatons aussi que vous avez changé de stratégie de
défense de l’huile de palme industrielle en mentionnant un grand écrivain, et en
faisant part soudainement de vos voyages au contact des petits paysans locaux
...
Cependant, à l’heure du « Greenwashing »
tapageur des grandes multinationales, à grands coups de publicités servies à
toutes les sauces aux concitoyens occidentaux, vous mentionnez une sorte de
nouvel accord défendant les nouvelles bonnes intentions des lobbies, un
Accord de Partenariat Volontaire (APV) pour lutter contre le bois illégal
datant du 30 septembre dernier entre l’Indonésie et la France.
Alors que penser de l’écolabel
indonésien LEI (The Indonesian Ecolabelling Institute – crée en 2009) et
partenaire du FSC (Forest Stewardship Council), garantissant soi-disant la
culture durable, la traçabilité des bois coupés et exportés ? Doit-on en
conclure que celui-ci n’est pas efficace ? Que penser aussi de l’écolabel le TFT (crée en
1999) opérant également en ce moment même en Indonésie. Sont-ils tous efficaces ?
Combien de labels et accords « écrans de fumée », vont être encore inventés ?
Qui les finance ? Où va l’argent ?
Le programme REDD+ auquel vous
faites référence a déjà eu lieu(1), le contrat ayant été négocié en
2010, avec l’amer constat d’un non engagement du gouvernement indonésien.
Notons aussi l’absence de transparence des 35 millions de dollars de
transaction entre les deux parties censées aider à faire une réforme, avec
paradoxalement dans les faits, durant les deux années qui ont suivi ce contrat,
un taux de déforestation qui a doublé. A qui profite cette somme astronomique ?
La forêt primaire indonésienne
continue à être rasée toujours au profit des industries du bois, de la pâte à
papier et enfin de l’industrie de l’huile de palme, étant pour beaucoup
détenues par une seule et même société. Comment croire en la bien-pensance des
gouvernements français et indonésien ?
Par ailleurs, d’après votre
témoignage, cela fait une décennie que l’Indonésie a pris conscience de
l’impact de l’exploitation incontrôlée des forêts. Et pourtant, dix années que rien n’a été fait. Dix longues
années où le couvert forestier indonésien a perdu 8,8 millions d’hectares entre
2000 et 2010. Les plantations de palmiers à huile sont directement responsables
de 57% des déforestations entre 2000 et 2010 au Kalimantan (partie indonésienne
de Bornéo) soit 15 949 km²- une région comme la Franche-Comté.
De 1990 à 2010, 90% des terres
converties en palmiers à huile étaient des terrains boisés dont 47% étaient
des forêts intactes, 22% des forêts destinées à la production de bois et de papier, 21%
étaient sous forme d’agroforesterie. (2)
Ces terribles chiffres poussent
l'Indonésie dans le flop cinq des plus grands émetteurs mondiaux de gaz à effet
de serre. Il est stupéfiant que 80 % de ces émissions proviennent de la
déforestation. (3)
En ce début d’année la
justice indonésienne a démontré qu’elle était capable d’appliquer les lois
du pays avec la condamnation d’une société d'huile de palme pour déboisement
illégal. (4) Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses
efforts, car ce genre d’évènement qualifié « d’historique » dans
l’article reste en effet encore trop rare. De leur côté les citoyens
indonésiens s’organisent face à l’éternel trafic d’influence ambiant entre le
gouvernement et les lobbies. Par exemple, le culte musulman a été contraint de
lancer une fatwa (5) contre le commerce d'espèces protégées. Le
peuple est prêt au changement devant l'inaction de leurs représentants censés
défendre leurs droits, avec pour symbole fort le rassemblement de paysans du
monde entier à Jakarta en juin 2013. Émergeant des organisations paysannes du
monde entier, les vraies problématiques se posent : la souveraineté
alimentaire, l’agro-écologie, la justice sociale et climatique, la solidarité,
les semences, l’eau, la lutte des femmes, des jeunes, des peuples autochtones, des
migrants, la réforme agraire et la terre à ceux et celles qui la travaillent. (6)
Vous, en tant qu’actrice de la
production d’huile de palme industrielle, comment voulez-vous assurer la survie
de ces peuples en cautionnant la destruction de leurs ressources naturelles et
de leur économie locale au profit d’une poignée de privilégiés indonésiens et
de patrons européens ?
Posez-vous la question: le PIB reflète-t-il
vraiment la qualité de vie humaine et la satisfaction des habitants d’un pays
dans une perspective citoyenne personnelle et collective ?
Comme le dit Masanobu Fukuoka, Microbiologiste
et philosophe japonais "Si nous avons une crise alimentaire elle ne sera
pas due à l'insuffisance du pouvoir productif de la nature, mais à
l'extravagance du désir humain. "
L’association L’Huile
de Palme : NON !
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(1) http://www.redd-monitor.org/2013/09/20/almost-half-of-norways-climate-and-forest-aid-remains-unspent/
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