dimanche 15 mars 2015

Pérou : bientôt 23000 hectares de forêt primaire en fumée !

Des entreprises de production d'huile de palme au Pérou planifient de raser 23 000 hectares de forêt primaire.


Quatre plantations de palmiers à huile d'une même multinationale sont en pourparler au nord de l'Amazonie péruvienne. Photographie de David Hill/David Hill


Au Pérou, des sociétés envisagent de raser plus de 23 000 hectares de forêts tropicales primaires dans le nord de l'Amazonie pour planter des champs de palmiers à huile, selon les ONG.

D'après une décision récente du gouvernement, les opérations de déforestation vont commencer par la coupe à blanc de 9 300 hectares de forêts primaires, ce qui va représenter deux gigantesques plantations nommées Maniti et Santa Cecilia.

"Nous avons fait une analyse approfondie des images satellites de la zone du projet et avons conclu que 84,6% des Maniti et Santa Cecilia représentent de la forêt primaire", selon un communiqué de presse de l'Association pour la Conservation du Bassin de l'Amazone (ACCA) au Pérou, et l'Association de Conservation d'Amazone (ACA) aux États-Unis. Cette dernière rajoute "Cela signifie que cette déforestation de 9 343 hectares - près de 13 000 terrains de football - sera exclusivement synonyme de disparition de forêt primaire"

Les entreprises impliquées dans ces deux plantations industrielles, ISLANDIA ENERGIE et PALMAS DEL AMAZONAS, vont toutes deux recevoir "un soutien technique et financier" de PALMAS DES ESPINO, le leader de l'industrie de l'huile de palme au Pérou, faisant partie également du puissant groupe ROMERO. 


Alors que la superficie cultivée en palmiers au Pérou est beaucoup moins importante que respectivement celle de l'Équateur et de la Colombie, ou encore d'autres pays comme l'Indonésie et la Malaisie voisine, son expansion au cours des dernières années a été spectaculaire. Le gouvernement a pris des mesures pour promouvoir et inciter sa culture et près de 1,5 millions d'hectares ont été identifiés comme pouvant faire l'objet de futures plantations industrielles de palmiers à huile, conduisant certaines personnes, ONG, à voir cette tendance comme l'une des plus grandes menaces pour l'Amazonie péruvienne.


Et pourtant la loi sur les forêts du Pérou interdit d'utiliser la forêt à des "fins agricoles ou autres activités touchant la couverture végétale ou allant à l'encontre d'une utilisation durable et de la conservation des ressources forestières". Mais un échappatoire existe permettant un "changement d'utilisation" si une aire particulière en Amazonie est réputée pour avoir "une aptitude agricole " suite à une étude des sols, des sources d'eau et de la biodiversité qui montre que la "durabilité de l'écosystème" sera garantie. Le gouvernement régional sortant a approuvé le "changement d'utilisation" pour les deux Maniti et Santa Cecilia le 24 Décembre 2014, juste avant de republier une nouvelle administration.


Cependant, Jorge Noriega Pereira du Programme Régional du Nouveau Gouvernement Régional sur les Ressources Forestières et la Gestion de la Faune (PRMRFFS), a déclaré au Guardian que le processus d'approbation est maintenant "en revue." "Cela n'a pas été fait selon une procédure régulière", dit-il, citant en exemple l'incapacité des entreprises à fournir un inventaire des espèces d'arbres à couper.


Juan et Loja de ACCA a insisté au Guardian que Maniti et Santa Cecilia représentent une grande forêt primaire et que c'est définitivement un drame qui pourrait se produire. 
"Les analyses que nous avons faites montrent que la situation est très inquiétante. Cela va encourager d'autres entreprises de poursuivre cette même intention de destruction de forêts primaires à des fins mercantiles. Ce n'est pas bon pour l'Amazonie ".


Matt Finer, d'ACA, dit que leurs conclusions sont prises en charge par les propres études environnementales des sociétés.
"Ils admettent que les zones de plantation prévues sont dominées par la forêt primaire", dit Finer qui a dirigé la recherche. "Les entreprises ou le gouvernement devraient alors normalement commencer de nouvelles plantations de palmiers à huile seulement sur des terres qui ont longtemps été déboisées."

Selon "l'Evaluation de l'Impact Environnemental" (EIE) rédigé pour la parcelle de Santa Cecilia par le conseillé contracté par Islandia, 72% de la superficie de la zone est de la forêt primaire. Pour Maniti, l'EIE indique que la forêt primaire couvre 54% de la superficie de la zone.


Deux autres plantations, Santa Catalina et Tierra Blanca, sont également prévues par deux autres sociétés, Agricola La Carmela et Desarrollo Agroindustriales Sangamayoc, recevant aussi "l'appui technique et financier" de Palmas del Espino. Selon Finer et Sidney Novoa de l'ACCA et Clinton Jenkins de l'Instituto de Pesquisas Ecologicas, Santa Catalina et Tierra Blanca ensemble impliqueraient  une surface de 13 900 hectares de forêt primaire.

Noriega, du gouvernement régional, a déclaré au Guardian que "les changements d'utilisation pour Santa Catalina et Tierra Blanca n'ont pas été approuvés à ce jour et que les deux projets sont actuellement en cours d'évaluation par le Ministère de l'Agriculture."

"Quand ces deux projets vont nous être transférés dans le Programme Régional sur les Ressources Forestières et Gestion de la Faune, nous allons être méticuleux concernant les modifications de l'utilisation qu'ils demandent," dit-il. "Je peux vous dire à l'avance que nous sommes une nouvelle administration cherchant à relancer le secteur de la foresterie de la manière la plus appropriée et éthique, et nous sommes du côté de l'environnement. Nous voulons que ce programme soit respecté et dire "stop" aux exactions commises contre les forêts et la biodiversité ".

Ces quatre plantations vont devenir la grande région "Loreto". Selon les EIE, le but est qu'elles fournissent de l'huile de palme pour le marché intérieur du Pérou. Les quatre EIE ont déjà été approuvées par le ministère de l'Agriculture en 2013.

"La forêt amazonienne fournit des services très importants : l'air pur, l'eau propre et beaucoup de biodiversité", explique le directeur de l'ACCA Daniela Pogliani. "Si nous voulons favoriser le développement économique, nous croyons qu'il y a d'autres façons de le faire. Cela ne doit pas impliquer de raser l'Amazonie. Nous voulons un développement pour le long terme et pour le bénéfice de tous, pas seulement des initiatives qui ne tiennent pas compte des impacts à long terme sur l'environnement et la structure sociale. "

Novoa dit qu'il aimerait "une révision des projets qui ont été approuvés au cours des périodes précédentes afin de vérifier s'ils sont conformes à la loi."
"Nous aimerions voir des mesures concrètes afin de stopper la déforestation et garantir l'utilisation durable des terres" dit-il.

Selon Finer, aucune des deux sociétés au Maniti et Santa Cecilia n'ont commencé la déforestation.

"De récentes images satellites parvenues n'étaient pas de bonne qualité empêchant d'avoir un bon œil sur la zone mais nous avons obtenu des données radar récentes qui nous ont indiqué que la déforestation n'a pas commencé" dit-il.

Loja de ACCA décrit la décision de transformer Maniti et Santa Cecilia en palmeraies géantes  "arbitraire" et "imposée" aux communautés locales mais reconnaît que certaines personnes sont en faveur à cause des possibilités de gagner un revenu supplémentaire. et de rajouter que ce ne serait pas la première forêt primaire d'Amazonie péruvienne à être rasée pour les palmiers à huile, en citant les régions voisines San Martin et Ucayali comme exemple.

Palmas del Espino et le Groupe Romero n'ont pas voulu commenter. 
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Palm oil firms in Peru plan to clear 23,000 hectares of primary forest The Guardian, publication du 7 mars 2015 par David Hill Traduction par Perrine Odier

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