vendredi 19 juin 2015

oOlution : les cosmétiques 100% sans huile de palme

Laurence Duthu a interviewé Anne-Marie de oOlution. Derrière l'élaboration et la fabrication de produits il existe des personnes ayant fait tout un cheminement spirituel sur le pourquoi du comment. Nous saluons toutes ces belles initiatives humaines.  

- Anne-Marie peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

Je suis ingénieure agronome et diplômée en biochimie. J’ai travaillé 6 ans dans la cosmétique et je me suis toujours demandée pourquoi les soins cosmétiques étaient tous basés sur 1 ou 2 actifs star censé(s) être miraculeux et tout faire pour tout le monde. Si on fait le parallèle avec l'alimentation, manger des pommes c'est bon pour la santé mais si on ne mangeait que des pommes nous serions bien vite carencés ! J'ai la conviction que l'on doit nourrir sa peau comme on se nourrit, c'est-à-dire en diversifiant le plus possible ses apports en actifs.
De plus en travaillant pour une grande marque bio, je me suis aperçue que l’huile de palme était omniprésente dans les produits cosmétiques, même bio. Elle est présente sous forme de dérivés comme des émulsifiants ou des huiles bon marché sans l’intérêt pour la peau. Tout le milieu de la cosmétique (crème mais aussi shampoing, savon, maquillage…) contribue donc à la destruction de la forêt primaire d’Asie du Sud-Est et sa biodiversité sans équivalent. Cela m’a parût totalement aberrant et contradictoire pour une marque bio, j’ai donc tout quitté pour créer oOlution.



 - Quel a été l'élément déclencheur envers ton envie de protéger l'environnement et par la suite la création de ta propre société ?

A titre personnel, je suis passionnée de Grands Singes et notamment des Orang-Outans. Depuis des années, c'est avec grande tristesse que j'entendais parler de leur disparition en raison de la déforestation massive. Adolescente, je m'imaginais rejoindre Bornéo pour aider à sauver les adorables bébés orang-outans et puis finalement, j'ai suivi un parcours plus classique avec études et job stable à la clé. Ensuite, on a commencé à entendre parler d'huile de palme comme l'une des principale cause de déforestation de l'Asie du Sud-Est. Au même moment, je me rendais en voyage en Malaisie en 2013 où j'ai découvert avec horreur les dégâts causés par cette déforestation. Des millions de km² de palmeraies remplaçaient la forêt primaire, poumon de la planète et habitat de millions d'espèce.  Tout cela était définitivement perdu.
J'ai alors appelé les services consommateurs des grandes industries d'agro-alimentaire pour leur demander pourquoi ils remplaçaient le beurre par de l'huile de palme alors que le fait que cela provoque une importante déforestation soit connu (j'ai même écrit un blog personnel sur ce sujet). Puis un jour, j'ai appris que l'huile de palme se trouvait aussi dans tous les produits cosmétiques ! Sous forme de centaines d'ingrédients différents (émulsionnants, conservateurs, colorants...). L'industrie dans laquelle je travaillais participait donc à la disparition des Orang-outans ! Cette idée m'est parue insupportable et il est devenu évident que si je n'avais pas rejoins un d'un refuge d'Orang-outans à Bornéo, j'allais me consacrer à essayer de les sauver à ma façon, en combattant l'usage généralisé des dérivés d'huile de palme en cosmétique.

 - Est-il si compliqué que cela de faire du "sans huile de palme" (et ses dérivés) comme beaucoup d'industriels le prétendent ?

Les industriels arguent que faire du sans huile de palme est plus cher, qu'il est trop difficile de s'approvisionner autrement et vont même jusqu'à jouer la carte écologique en prétendant que grâce à son rendement élevé, moins de surface cultivable est nécessaire... Bien évidemment, ce n'est pas une sinécure tant toute la chaîne de création d'un produit cosmétique semble dépendante de l'huile de palme. Comme nous partions de rien sinon d'un rêve, il nous aura fallu 3 ans de recherche & développement pour trouver les bons fournisseurs et un laboratoire qui accepterait de travailler avec nous. Très peu y croyaient, beaucoup de portes se sont fermées ! Ensuite, il fallait encore créer des formules efficaces et aux qualités sensorielles irréprochables... Mais nous y sommes arrivés, à notre échelle et avec nos moyens limités, alors il n'y a plus d'excuses ! Si les grandes marques, avec leurs moyens et réseaux se penchaient sur la question, je suis convaincue que cela leur prendrait bien moins de temps. Mais cela impliquerait aussi de repenser toute leur chaîne de production, qu'est-ce qui pourrait les motiver ? J'ai confiance dans la volonté des citoyens et consommateurs pour faire changer les choses, à condition qu'ils prennent conscience de ce problème. Nous avons récemment réalisé et diffusé une infographie pour apprendre simplement à repérer l'huile de palme dans les cosmétiques. Nombreux ont été ceux qui étaient choqués d'apprendre que leur salle de bain représentait 24% de la production mondiale de l'huile de palme !

 - Souhaites-tu élargir la gamme de produits oOlution ?

A terme, je rêve de pouvoir montrer que l'on peut créer une alternative saine et écologique à tous les produits qui composent notre routine d'hygiène. C'est un travail que nous faisons tous les jours chez oOlution. Je crois qu'au delà de sensibiliser, il faut donner les moyens d'agir en développant des alternatives efficaces pour être séduisantes, donc durables. Malheureusement la cosmétique naturelle, bio et éthique souffre encore d'une crainte vis à vis de la qualité des soins. Nous revendiquons fièrement l'absence d'huile de palme de nos soins, mais avant tout notre rôle est de prendre soin de la peau de ceux qui nous soutiennent. Nous avons développé un diagnostic de peau offert sur le site, donnant accès à des conseils personnalisés et une information transparente sur ce que peuvent apporter nos soins. Prochainement, je souhaite donc me pencher sur le produits nettoyants. Quasiment tous les produits nettoyants existants (démaquillant, gels douche, shampoing....) contiennent un détergent appelé sodium lauryl sulfate, qui est un irritant cutané également dérivé d'huile de palme. Les molécules alternatives moins irritantes sont néanmoins elles aussi le plus souvent issus d'huile de palme, donc il va falloir que l'on développe une alternative à la fois plus douce pour la peau et non dérivée d'huile de palme... encore un défi que nous espérons relever !

 - Pour terminer, peux-tu nous dire en trois mots ce que représente l'huile de palme industrielle à tes yeux ?

L’utilisation massive de l'huile de palme par les industriels comme matière grasse unique de tous leurs produits aboutit à une surproduction de celle-ci et donc à une catastrophe écologique mondiale. Cependant, il ne faudrait pas qu'il les remplacent cette huile par une autre et unique matière grasse (par exemple le beurre de karité raffiné) car on se retrouverait dans quelques années avec exactement le même problème. J'ai d'ailleurs écris un article sur le sujet il y quelques années. Au fond, je désire que l'on voit le problème de l'huile de palme comme une opportunité de rappeler la nécessité vitale de la biodiversité, donc de questionner les méthodes des industriels pour les faire changer en faveur d'approvisionnement en matières plus diversifiées. Avec une plus grande diversité de matières premières, plus aucune culture ne sera prédominante et donc destructrice.


Visionner le reportage sur EcoPlus TV :


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire